Demain 27


27.

La situation est proprement intenable, irrationnelle, inexplicable. Tous les services informatiques, électroniques, visioniques, tout ce que l’on pourrait regrouper sous la notion d’intelligence artificielle, tous ces liens qui nous relient les uns aux autres, tout s’est arrêté hier à 3 heures 33. Il est impossible de savoir ce qui s’est passé puisque par définition les nouvelles, informations ou actualités libres ou imposées sont diffusées par l’intermédiaire de vecteurs qui ne fonctionnent plus. L’époque des journaux publiés sous forme de textes imprimés sur feuillets A3 ou A4 est révolue. L’ensemble de nos connaissances a été transféré sur des socles virtuels. La mémoire de notre société réside dans des particules d’air qui se déplacent de façon autonome sous l’impulsion, je présume de photons et/ou ondes électromagnétiques. Ce qu’il est arrivé de cet échafaudage complexe et riche, je n’en sais absolument rien.

Je suis parvenu avec difficulté à descendre de mon appartement et ai erré dans les rues telle une âme horrifiée et hagarde, sans boussole en tête, plus nu et vulnérable que si je m’étais promené sans vêtement. Quelque chose s’est introduit dans la partie la plus intime de ma vie et l’a violée, à mon corps et âme défendant, et il ne reste plus que des cendres, des bribes de mémoire d’un temps qui n’est plus.

J’ai apostrophé qui j’ai trouvé sur mon chemin et ceux-ci ou celles-ci en ont fait de même, vous savez ce qui s’est passé ? Vous comprenez quelque chose à cette situation ? Mon dieu mais que se passe-t-il ? Mais que font les autorités ? Un attentat, probablement, mais où, quand, quoi, comment ? Mais que font les autorités ? C’était à prévoir avec tout ce qui se passe, et ces non-droits que l’on laisse en liberté comme si de rien n’était ! Mais qu’allons-nous devenir ? Qui pourrait nous expliquer ? Qui nous dira ? Et mon appartement est glacé ? Je n’ai plus grand-chose à manger, mes enfants sont totalement dépassés, mon mari passe son temps à pleurer, boire et geindre, il n’est plus que l’ombre de lui-même !


Mais il n’y a aucun sens derrière nos propos, aucune réflexion, nous avons perdu l’habitude de penser par nous-mêmes. Nous ne sommes que des soupçons de vie greffés sur des choses molles dirigées par des intelligences artificielles, celles-ci ayant disparu, pour le moment s’entend, nous n’avons plus de libre-arbitre, nous sommes pleutres et lâches, fatigués et sans vie. Savoir si cela a toujours été ainsi est une autre question. La vérité est que nous sommes des pions avec autonomie mais sans initiative, des êtres chétifs repliés sur eux-mêmes et totalement dépendants des nouvelles, informations, instructions, conseils et directives données par des autorités dont on ne sait même plus si elles sont une émanation de notre collectivité ou une création de réseaux souterrains. Nous ne sommes même plus paranoïaques puisque nous avons perdu jusqu’à la possibilité de réfléchir par nous-mêmes. Des décennies de douceur et bonheur nous ont enlevé ces facultés.

J’ai croisé des êtres soi-disant humains et soi-disant intelligents, pour autant que cela veuille dire quoi que ce soit, des choses longilignes, ou graciles, sur deux jambes, parfois mais pas toujours, criant des propos obscènes, hurlant des messages sans contenus, pleurant, s’étreignant les uns les autres comme s’il s’était agi de leurs proches ou de leur famille, ce qui n’était d’évidence pas le cas, tremblants telle une ancienne machine pris de frénésie électrique, traversés de crises de tétanie ou totalement hystériques.

Presque pas de propos intelligibles ou intelligents, une gestuelle ou des mimiques qui en d’autres temps ou lieux paraîtraient amusants. Seuls les non-droits s’amusent au sens premier du terme. Ils rient de notre désarroi grandissant, nos frayeurs et effrois, nous sommes devenus les plus fragiles maillons d’une chaîne qui a éclaté sous nos yeux.

Ce qui s’est passé ? Je n’en sais rien et n’en saurais jamais rien, je le crains. Pour l’heure je cherche mes amis, à pied, sans les avoir prévenus, comment aurais-je pu le faire ? , j’espère les trouver, j’espère pouvoir trouver un sens à tout ceci, remettre un semblant d’ordre, même minime, dans un chaos absolu.

Notre société s’est cassée. Il ne reste rien. Que l’on nous vienne en aide…

 

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