Fragments d’épopée – 8


Les enfants de Babel

 

 

Durant les cinquante-sept années noires de Naos

Et tandis que les ruines de Babel achevaient de se consumer

Eux et Nostra

Progressivement

Comprirent qu’ils ne pourraient eux non plus restés isolés

Du monde qui les entourait

Et que s’ils continuaient à le faire

Ils finiraient par tomber dans les mêmes excès que leurs congénères

Feu les géants de Babel

Ils virent autour d’eux les corps des géants se putréfier et être dévorés par les charognes

Ils entendirent les cris des martyrs et des vieillards qui partaient vers les horizons de leur mort sans connaître le répit d’une mort dans le sommeil

Ils observèrent des enfants errants sans buts ni compréhension

Sur les champs de ruine fumant

Que Babel était devenu

Et pleurèrent en les voyant ainsi

Et comprirent qu’ils ne pouvaient les dédaigner simplement parce qu’ils étaient les enfants de doctrinaires

Et de tyrans

Et les recueillirent auprès d’eux

Leur transmettant des valeurs de respect et humilité

Tolérance et compassion

Et distance par rapport aux évènements d’un univers dont ils étaient des pions sans importance particulière mais dont il fallait éviter qu’ils ne deviennent les jouets des Eléments et de leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants

Ils leur enseignèrent les lois de la vie

Leur démontrèrent l’absurdité de ce qu’avaient professé leurs ancêtres

Et les amenèrent à vivre leur vie sans essayer de comprendre le sens de ce qui n’en a pas

Leur firent comprendre qu’au-delà des Eléments et leurs alliés, peut-être un jour le Principe s’éveillerait de sa Torpeur et accélérerait le lent Glissement à rebours et que s’achèverait ainsi le temps des Conflits

Les enfants grandirent dans cet esprit

Et se nommèrent Vos, Nos, Jè, Tou, Li, Na, El et ainsi de suite

Jusqu’à l’oméga d’un alphabet ancien que les géants avaient prétendu oublier

Et qui n’était autre que l’expression du long et profond son

Que le silence dans l’obscurité des espaces infinis

Se faisait l’écho pour l’éternité

Ils devinrent nombreux mais pas multiples

Car les géants ne vivaient pas aussi longtemps que les innommables formant le peuple de Naos

Et certains des géants n’étaient pas acceptés car ils colportaient encore les théories et dogmes que leurs parents leur avaient inculqués

Et d’autres finissaient par s’enfuir vers des contrées lointaines pour s’isoler au sein de nouvelles forteresses aux enceintes sept fois plus grandes

Mais toutes aussi vulnérables que celles de la défunte Babel

Les enfants de Babel prospéraient mais consciencieusement et lentement

Sans se douter qu’agissant ainsi ils se préservaient de la furie de ceux qui, ailleurs, préparaient une fulgurante et longue agonie pour les vainqueurs des temps jadis

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