Les enfants de Babel
Durant les cinquante-sept années noires de Naos
Et tandis que les ruines de Babel achevaient de se consumer
Eux et Nostra
Progressivement
Comprirent qu’ils ne pourraient eux non plus restés isolés
Du monde qui les entourait
Et que s’ils continuaient à le faire
Ils finiraient par tomber dans les mêmes excès que leurs congénères
Feu les géants de Babel
Ils virent autour d’eux les corps des géants se putréfier et être dévorés par les charognes
Ils entendirent les cris des martyrs et des vieillards qui partaient vers les horizons de leur mort sans connaître le répit d’une mort dans le sommeil
Ils observèrent des enfants errants sans buts ni compréhension
Sur les champs de ruine fumant
Que Babel était devenu
Et pleurèrent en les voyant ainsi
Et comprirent qu’ils ne pouvaient les dédaigner simplement parce qu’ils étaient les enfants de doctrinaires
Et de tyrans
Et les recueillirent auprès d’eux
Leur transmettant des valeurs de respect et humilité
Tolérance et compassion
Et distance par rapport aux évènements d’un univers dont ils étaient des pions sans importance particulière mais dont il fallait éviter qu’ils ne deviennent les jouets des Eléments et de leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants
Ils leur enseignèrent les lois de la vie
Leur démontrèrent l’absurdité de ce qu’avaient professé leurs ancêtres
Et les amenèrent à vivre leur vie sans essayer de comprendre le sens de ce qui n’en a pas
Leur firent comprendre qu’au-delà des Eléments et leurs alliés, peut-être un jour le Principe s’éveillerait de sa Torpeur et accélérerait le lent Glissement à rebours et que s’achèverait ainsi le temps des Conflits
Les enfants grandirent dans cet esprit
Et se nommèrent Vos, Nos, Jè, Tou, Li, Na, El et ainsi de suite
Jusqu’à l’oméga d’un alphabet ancien que les géants avaient prétendu oublier
Et qui n’était autre que l’expression du long et profond son
Que le silence dans l’obscurité des espaces infinis
Se faisait l’écho pour l’éternité
Ils devinrent nombreux mais pas multiples
Car les géants ne vivaient pas aussi longtemps que les innommables formant le peuple de Naos
Et certains des géants n’étaient pas acceptés car ils colportaient encore les théories et dogmes que leurs parents leur avaient inculqués
Et d’autres finissaient par s’enfuir vers des contrées lointaines pour s’isoler au sein de nouvelles forteresses aux enceintes sept fois plus grandes
Mais toutes aussi vulnérables que celles de la défunte Babel
Les enfants de Babel prospéraient mais consciencieusement et lentement
Sans se douter qu’agissant ainsi ils se préservaient de la furie de ceux qui, ailleurs, préparaient une fulgurante et longue agonie pour les vainqueurs des temps jadis