La disparition de Eux et Nostra
Le pays de Naos n’existait plus
Celui de Babel avait été détruit par le peuple de Naos
Celui de Naos l’avait été par les chevelus
Celui des chevelus n’avait jamais vraiment existé
Les enfants de Babel et de Naos vengèrent leurs pères et mères et assassinèrent les uns après les autres tous les chevelus qui demeuraient et usèrent de la même fureur et du même aveuglement que ceux déployés par es parents de leurs victimes
Le sang ne cessa de couler et la misère de se répandre
Les autres peuplades des contrées oubliées en profitèrent pour se rebeller à leur tour et s’aventurer dans le pays de Naos et y semer d’avantage de chaos encore
Dans un pays qui comptait près de sept cent trois territoires et autant de royaumes ou pays
Et Eus et Nostra ayant atteint un âge plus que respectable pour des géants qui d’habitude ne vivaient guère au-delà de quatre-vingt ans
Se désolaient du malheur frappant ceux qui avaient osé défier les Eléments et leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants
Pleuraient la mort et la douleur, l’infamie et l’horreur des guerres qui ne semblaient jamais devoir finir
Et se demandaient s’il y avait un moyen de contrer les desseins de ces derniers
Ils s’isolèrent durant quinze ans dans une ville que l’on appelait Nessoriya
Et lorsqu’ils sentirent que la mort s’approchait d’eux
Conclurent que lutter contre les Eléments et leurs alliés
Ne conduisaient qu’à l’horreur de guerre sans fin
Et que se soumettre impliquait des horreurs et malheurs supplémentaires
Que les Eléments et leurs alliés souhaitaient nommer et compter
Pour affronter le Principe qui avant de sombrer dans la Grande Torpeur avait déclenché le Glissement à Rebours
Et le renverser puis le remplacer
Ils s’attristèrent du comportement des enfants de Babel et de ceux de Naos qui se comportaient dans le combat comme les enfants des Eléments et de leurs alliés et conclurent que le combat était voué à l’échec
Que la soumission l’était aussi
Que le malheur était le seul fait des vivants
Et que pour se soustraire aux méfaits des Eléments et leurs alliés
Il suffisait de se laisser aller dans le grand oubli
Dans la perte des sens et de la vie
Car les morts perdent leurs noms
Et ne peuvent plus compter pour ceux qui cherchent à inscrire comme vérité suprême leur domination sur les vivants et toute chose ou être nés de leur propre volition
Eus et Nostra cessèrent de s’alimenter
Se tinrent allongés la main dans la main
Face à l’océan qu’ils aimaient
Et partirent au bout de quelques jours au couchant d’un soleil qui brulait les ors du ciel mais qu’ils ne voyaient plus
Entourés de ceux qui subsistaient des géants de Babel et du peuple de Naos
Les enfants de Babel et de Naos, ceux des chevelus et des autres, pleurèrent le départ volontaire des seuls êtres n’ayant jamais voulu leur guider leur conduite
Et conclurent eux aussi que leur acte était juste et sage
Et les suivirent dans leur geste
Et les rejoignirent en quelques jours seulement
Laissant des Eléments régner sur des contrées sauvages et sans vivants
Sur un monde de chaos et ruines
Fumantes pour certaines encore
Pierre et métal fondus et entremêlés
Boue et sang mélangés et répandus en longs fleuves sombres
Sans ombre de quelque vivant que ce soit
Sans témoin des conflits passés
Rébellions vaincues mais finalement vainqueurs
Puisque si les vivants avaient disparu
Les Eléments et leurs alliés furent forcés d’en faire de même
Et le silence plus atone que la mort s’installa sur une terre dorénavant stérile
Marquant la victoire de vivants sur des Eléments et leurs alliés
Tandis que le Principe s’ébroua vaguement dans sa grande Torpeur
Soulagé de constater que quelque part, enfin, l’anarchie et le chaos semblaient devoir se combler et disparaitre
Et que le grand Glissement à Rebours était bel et bien engagé