La vie est souvent sombre, parfois obscure, généralement indéchiffrable, mais il reste ces reflets ambigus que l’on peine à interpréter…


La vie est faite d’errances, d’incompréhensions et d’émerveillements


Fragments d’épopée – FIN


La renaissance des Eléments et de leurs Alliés

Des centaines de générations après avoir conduit les vivants à leur perte et abandonné les mondes à leur triste condition, les Eléments et leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants se trouvaient à nouveau en position d’élus

Les vivants, qu’il s’agisse du peuple des eaux ou de celui d’Alkmaar, leur rendaient tribut et reconnaissance

Les trois cent dix sept peuples qui peuplaient dorénavant le pays d’Alkmaar transformèrent les tours que leurs prédécesseurs avaient érigées en temples ou monuments dressés à leur intention

Des statues furent érigées en tout lieu

Chaque famille, tribu, clan, peuple ou royaume possédait ses sanctuaires sacrés, ses temples et ses trônes, et imposait aux vivants de leur rendre hommage à intervalle régulier

Les liturgies et rituels prenaient un temps considérable pour chaque individualité

Et les chants rendus en leur honneur se conjuguaient en de longues mélopées qui se mêlaient et s’évacuaient vers le ciel

Le cadavre de la Reine Niarche gisait au fond du puit sacré

Tandis que s’entassaient autour de lui d’autres cadavres ou corps ensanglantés presque morts de celles et ceux que l’on jetait parce qu’ils ne s’investissaient pas assez dans la dévotion des Eléments et de leurs alliés

Et les Rois et Reines se succédèrent ainsi, dans l’aveuglement et le malheur, permettant aux Eléments et leurs Alliés de se débarrasser à peu de frais de ceux qui résistaient à leur diktat

En les nommant Reines ou Rois

Et puisque les peuples étaient dorénavant au nombre de trois cent dix sept, on nomma autant de monarques  que l’on continua par tradition de jeter au fond du puits sacré

La plupart mourant dans la chute, les autres agonisant quelques heures ou jours, les derniers s’enfonçant dans la folie et regardant vers les cieux dans une atmosphère suffocante et fétide, attendant que l’astre rouge revienne

Mais les cérémonies annuelles furent abandonnées et les monarques laissés à leur statut de créatures chétives et immondes mais respectées

Les opposants, s’il en restait, qui objectaient à l’avènement de clergés sanguinaires et rétrogrades, étaient évincés de cette manière

Et lorsque le puits de la Reine Niarche fut quasiment empli et que depuis ses entrailles se répandit une puanteur extrême on le fit sceller en disant que le Tout Puissant en avait décidé ainsi et que dorénavant les guides du peuple seraient présents auprès de chaque tribu et peuple

Qu’ils seraient enfouis au fond de cavités s’ouvrant au centre de chaque village, ville ou cité, au pied de chaque tour ou monument

Permettant ainsi d’accueillir un nombre respectable d’opposants croupissant dans des souterrains infâmes tandis qu’en surface les dirigeants réels se répandaient en prières à leur intention ainsi qu’à celle des Eléments et leurs Alliés

Imposant un règne de terreur sans nul autre pareil pour les générations à venir

Le peuple d’Alkmaar et celui des Eaux

Une fois le feu de la violence apaisée

Contemplèrent les ruines de leur passé et aveuglés par le mysticisme qui les frappaient

Rejetèrent sur leurs ancêtres impies la responsabilité de leur propre violence

Ils estimèrent que les mondes étaient dorénavant bien meilleurs

Que les cieux et la terre, que les montagnes et les rivières, que les océans et les herbes étaient maintenant purs et baignés d’une douceur angélique

Que les autres vivants, bi ou quadrupèdes, étaient plus dociles qu’auparavant

Que les récoltes étaient supérieures

Et que les sourires des enfants étaient plus apaisés

Ils bénirent les Eléments et leurs Alliés et suivirent avec ardeur leurs guides

Qui s’isolèrent dans des palais de marbre

Se prosternant devant les images ou les signes de ceux qu’ils vénéraient

Se satisfaisant des renversements et bouleversements qui avaient eu lieu

Et bénissant le destin qui avait été le leur de s’ériger en révélateurs de desseins supérieurs et liens avec Eléments et divinités

Ils dialoguèrent avec certains de ces Eléments

Et bientôt chacun devint l’interlocuteur privilégié de l’un d’entre eux

Et bâti des temples spécifiques pour celui-ci plutôt que celui-là

Car ils étaient sans le comprendre les jouets des Eléments qui réglaient le sort des vivants sur l’autel de leur conflit qui était le leur depuis l’origine des temps, s’arroger le pouvoir du Principe et usurper son omniprésence

Les Eléments et leurs Alliés qui souhaitaient plus que tout nommer et compter les vivants pour pouvoir déterminer lequel était le puissant finirent par être nommés eux-mêmes

Les peuples d’Alkmaar et des Eaux

Maintenant au nombre de trois cent dix sept nommèrent autant de divinités

Uzher le père, roi des mers

Shahh la mère, princesse du vent

Nessyo la concubine et Osbert l’amant, les enragés maîtres des tempêtes

Chievo le fils, roi des terres

Albinie la fille aînée, reine des montagnes

Asciona la fille cadette, princesse des tours

Solsyphix prince de la guerre et son cousin Myeusis héros de la paix

Et une kyrielle d’autres, formant un panthéon de trois cent dix sept divinités qui peuplèrent l’inconscient des vivants

 

La vie est faite d’instantanés sans lien apparent les uns avec les autres…


La vie est uniforme, mais en apparence seulement


La vie est ombres et reflets