LIVRE III
LES ISOLÉS
La Genèse
Les mondes subsistaient
Mais sans vivant pour le constater
Et les Eléments et leurs alliés avaient transporté ailleurs leurs conflits perpétuels
Et les roches et les terres
Les eaux et l’air
Le feu et les gaz
S’employaient à faire disparaitre dans les temps passés
La trace de ceux qui s’étaient battus
S’étaient trompés
Avaient usurpé leur pouvoir
S’étaient complus dans la suffisance
Avaient imposé des valeurs nouvelles qui ne valaient guère mieux que les anciennes
Et croyant combattre les Eléments et leurs alliés s’étaient en fait combattus eux-mêmes
Ne restait personne à défaut de rien
Et la nature prospérait enfin
Sans vivant pour troubler son cours long, lent et insondable
Sans souvenir aucun de Babel ou Naos, d’Eus et Nostra, de Spica et des autres figures d’un passé enterré
Loin des yeux, du cœur et de l’âme
De qui que ce soit pensant le constater, l’interpréter ou le comprendre
Loin des infinis soumis au diktat des Eléments et de leurs alliés
Loin de toute chose et être
Une nature qui évolua ainsi durant des centaines de millénaires
Sans souffle de vivant
Ni errements
Le temps de l’oubli et de l’apaisement
Le temps de la convalescence
Jusqu’à ce qu’au centre d’une vallée insolite
Plus de cinq mille révolutions stellaires après la disparition des peuples oubliés,
Au-delà des territoires antérieurement peuplés par Naos et Babel
Dans la chaleur d’un sol fécond
Aux abords des ruines multiples et indéchiffrables
Ne surgisse à nouveau des embryons de vie
Forgés par le poids des millénaires, la force d’un souvenir diffus, la douleur d’une omission
Marqués dans leur être par le souvenir invisible des souffrances que d’autres avant eux avaient enduré au nom de principes qui avaient perdu leur raison d’être au fur et à mesure que le temps s’était écoulé
Endurcis par la pression des terres et celle des eaux
Surgis de nulle part et partout à la fois
Des vivants de nouvelle forme et dimension
Frères involontaires de ceux qui avaient disparu mais étrangers dans leur aboutissement
Des êtres mûris par l’expérience de ceux qu’ils n’avaient pas connus mais dont les ruines marquaient leurs cauchemars