Fragments d’épopée – 15


 

Les successeurs d’Alkmar

 

 

Alkmar avait éveillé le peuple des enterrés

Il les avait conduits à la lumière depuis le fond de son puit

En regardant la lueur rougeâtre d’une étoile et psalmodiant son nom

Il avait poussé à son corps défendant un peuple à se réunir et à surmonter la frayeur des temps passés

Les avait induits à croire en eux-mêmes et à apprécier la lumière du jour

A oublier que par le passé les peuples de Babel, de Naos et des chevelus s’étaient entretués pour le plus grand plaisir des Eléments et de leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants

Les avait incités sans jamais s’en rendre compte à se redresser vers le ciel et toiser le monde avec assurance avant de se lancer à la conquête d’un monde laissé vierge pour leur plus grand plaisir

 

Alkmar n’était plus

N’ayant plus de guide, ils frémirent

Mais après réflexion décidèrent qu’une présence au fond du puit central était nécessaire

Et s’empressèrent de désigner l’un d’eux du titre d’Alkmar et de le jeter au fond du même puit et attendre de lui qu’il se complaise dans un rôle sacré

En échange d’une révérence et d’un respect universel

D’une parfaite soumission lors de la cérémonie annuelle dans les ruines de Babel

Ils escomptaient qu’il les ferait bénéficier des mêmes invocations, murmures venant du fond de la terre, mystérieux et envoûtant

 

Et la chose se reproduisit

Parce que

Jeté au fond d’une cavité sans autre lueur que celle d’un disque traversant régulièrement le chemin des étoiles et nébulosités

N’ayant absolument rien d’autre à faire si ce n’est survivre et attendre

L’exilé finissait immanquablement par s’extasier face à la lumière diffuse et ténue d’une lointaine étoile rouge et variable

Intense et étrange

Et prononcer des mots sans signification

Chanter des sons sans cohérence aucune

Proférer des messages se perdant dans des murmures

Et satisfaisant ainsi le besoin d’irréel d’un peuple maintenant réuni et n’ayant plus besoin de se complaire dans une frayeur extrême

 

Les isolés se succédèrent

Se nommèrent Belmak, Craknar, Debel, Esterk et ainsi de suite

Implorèrent au début de leur exil souterrain la liberté puis comprirent les uns après les autres que c’était au fond de la terre et d’eux-mêmes qu’ils pourraient trouver la plus fascinante des libertés

Et se mirent ainsi systématiquement à sourire à l’étoile rouge

Qui dans le ciel

Sans que nulle autre qu’eux ne la distingue

Vaquait à ses occupations

Tandis que le peuple des enterrés prospéraient et bâtissaient au dessus et autour d’eux

Grâce à eux

Dressant vers le ciel qu’ils avaient pendant des générations soigneusement évité

Des pieux géants pour s’approcher de ce dont ils avaient été séparés par la force des choses et des temps

Des édifices immenses qu’ils occupèrent

Des palais majestueux qu’ils exposèrent aux ciels étoilés

Ne s’arrêtant qu’une fois par an pour honorer leurs souverains enterrés

Et se complaisant à entendre leurs chants mélodieux

 

Ils étendirent leur territoire sur ce qu’avait été le pays de Naos

En cercles concentriques dont le centre était la demeure enterrée du monarque isolé

Et ceci jusqu’à ce qu’ils atteignent les limites extrêmes des terres connues

Et reproduisent sans s’en rendre compte

Les schémas de ceux qui les avaient précédés

Des milliers de générations avant eux

Et ne finissent par attirer

De par l’écho de leurs constructions

De leurs tours et monuments

L’attention de ceux qui les avaient oubliés

Les Eléments et leurs alliés

 

 

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