Les successeurs d’Alkmar
Alkmar avait éveillé le peuple des enterrés
Il les avait conduits à la lumière depuis le fond de son puit
En regardant la lueur rougeâtre d’une étoile et psalmodiant son nom
Il avait poussé à son corps défendant un peuple à se réunir et à surmonter la frayeur des temps passés
Les avait induits à croire en eux-mêmes et à apprécier la lumière du jour
A oublier que par le passé les peuples de Babel, de Naos et des chevelus s’étaient entretués pour le plus grand plaisir des Eléments et de leurs alliés qui s’appelaient dieux, déesses, prophètes, saints, idoles, justes, héros, bienheureux, élus, augures ou croyants
Les avait incités sans jamais s’en rendre compte à se redresser vers le ciel et toiser le monde avec assurance avant de se lancer à la conquête d’un monde laissé vierge pour leur plus grand plaisir
Alkmar n’était plus
N’ayant plus de guide, ils frémirent
Mais après réflexion décidèrent qu’une présence au fond du puit central était nécessaire
Et s’empressèrent de désigner l’un d’eux du titre d’Alkmar et de le jeter au fond du même puit et attendre de lui qu’il se complaise dans un rôle sacré
En échange d’une révérence et d’un respect universel
D’une parfaite soumission lors de la cérémonie annuelle dans les ruines de Babel
Ils escomptaient qu’il les ferait bénéficier des mêmes invocations, murmures venant du fond de la terre, mystérieux et envoûtant
Et la chose se reproduisit
Parce que
Jeté au fond d’une cavité sans autre lueur que celle d’un disque traversant régulièrement le chemin des étoiles et nébulosités
N’ayant absolument rien d’autre à faire si ce n’est survivre et attendre
L’exilé finissait immanquablement par s’extasier face à la lumière diffuse et ténue d’une lointaine étoile rouge et variable
Intense et étrange
Et prononcer des mots sans signification
Chanter des sons sans cohérence aucune
Proférer des messages se perdant dans des murmures
Et satisfaisant ainsi le besoin d’irréel d’un peuple maintenant réuni et n’ayant plus besoin de se complaire dans une frayeur extrême
Les isolés se succédèrent
Se nommèrent Belmak, Craknar, Debel, Esterk et ainsi de suite
Implorèrent au début de leur exil souterrain la liberté puis comprirent les uns après les autres que c’était au fond de la terre et d’eux-mêmes qu’ils pourraient trouver la plus fascinante des libertés
Et se mirent ainsi systématiquement à sourire à l’étoile rouge
Qui dans le ciel
Sans que nulle autre qu’eux ne la distingue
Vaquait à ses occupations
Tandis que le peuple des enterrés prospéraient et bâtissaient au dessus et autour d’eux
Grâce à eux
Dressant vers le ciel qu’ils avaient pendant des générations soigneusement évité
Des pieux géants pour s’approcher de ce dont ils avaient été séparés par la force des choses et des temps
Des édifices immenses qu’ils occupèrent
Des palais majestueux qu’ils exposèrent aux ciels étoilés
Ne s’arrêtant qu’une fois par an pour honorer leurs souverains enterrés
Et se complaisant à entendre leurs chants mélodieux
Ils étendirent leur territoire sur ce qu’avait été le pays de Naos
En cercles concentriques dont le centre était la demeure enterrée du monarque isolé
Et ceci jusqu’à ce qu’ils atteignent les limites extrêmes des terres connues
Et reproduisent sans s’en rendre compte
Les schémas de ceux qui les avaient précédés
Des milliers de générations avant eux
Et ne finissent par attirer
De par l’écho de leurs constructions
De leurs tours et monuments
L’attention de ceux qui les avaient oubliés
Les Eléments et leurs alliés