D’étranges rencontres que l’on peut faire en terres occidentales
Je dois vous dire que tout ne va pas si bien que cela aujourd’hui… Je pensais que la chronique d’hier, de nature scientifique, ne heurterait personne et que si d’aventure certains devaient se sentir floués ou discriminés cela resterait marginal. Après tout, nous avions cerné avec une très fine évaluation les raisons poussant les autruches à enfoncer leurs têtes sous terre. Nous avions également exploré les textes de Pline l’Ancien pour évaluer sa propre caractérisation. Il me semblait donc que tout se présenterait pour le mieux et que les groupes de pression de diverse nature ne seraient pas outrés.
J’avais passablement tort.
D’abord, un collectif de protection des acquis culturels de la Rome ancienne nous a écrit en réagissant vivement à ce qu’il considérait comme un déni de justice et des approximations de nature discriminatoire à l’encontre de l’un des penseurs les plus sages de la culture occidentale. Il regrettait que sa première disparition dans les cendres volcaniques du Vésuve avait été d’une grande dignité tandis que cette seconde mystification ne l’était pas le moins du monde. Nos propos étaient donc blasphématoires.
Ceci, je dois l’admettre, rentrait dans l’ordre des choses et relevait des réactions épidermiques habituelles de nos concitoyens frappés par une myopie assez consternante et je n’y aurais pas attaché plus d’importance que cela si ladite lettre n’avait pas été accompagnée d’une plainte soumise aux autorités concernant le comportement fallacieux d’un ressortissant des terres orientales. Ce dernier, c’est-à-dire moi, était accusé de non seulement s’abstenir de fournir les efforts nécessaires pour absorber une culture de grande valeur mais également de la rejeter de manière inappropriée, de bafouer par la même occasion la sagesse que l’âge apporte, et de tenter d’imposer un prosélytisme sanctionné par les textes légaux récemment adoptés.
Je n’ai rien dit au Yéti anarchiste et j’écris ce texte camouflé dans ma chambre dont je dois le confesser la taille est en nette réduction depuis quelques temps, peut-être l’effet du grand froid sévissant actuellement sous nos contrées. Cependant, un coup de téléphone très sobre et froid d’un représentant des autorités lumineuses et grandes m’a interpellé et m’a demandé de fournir le plus rapidement possibles les pièces justificatives concernant le séjour d’un étranger politiquement engagé et refusant de s’insérer dignement et silencieusement dans notre lit culturel et civilisationnel occidental. Il m’a donné deux jours pour transmettre ces documents à qui de droit, de fait et de même. J’en frissonne encore et me trouve fort dépourvu comme dirait le copain de la fontaine d’en face.
Comme si tout ceci ne suffisait pas, une délégation de fonctionnaires virtuels du monde d’au-delà des mers est venue me trouver dans un café de la ville. Ils se sont attablés à mes côtés alors que je mangeais un croissant au jambon et à la confiture de pêches jaunes et m’ont apostrophé sans autre forme de procès. Comment pouvaient-ils savoir que je me trouverais là à ce moment précis me trouble mais étant myope je m’habitue à ce fait ? Il demeure qu’ils m’ont interrogé de la plus vile des manières sur les moyens que j’avais utilisés pour me procurer des informations confidentielles sur le programme de transformation des autruches en oiseaux volants et trébuchants. Bien que ne souhaitant pas entrer plus que cela dans le détail des opérations dites ‘Smooth Landing and No Failing For Ostriches – Operation Blue Lagoon’ ils m’ont néanmoins laissé entendre que certaines descriptions du vol des autruches étaient de nature trop réalistes pour avoir été le fruit de l’imagination de ou des auteurs de cette chronique. Notant également les commentaires autorisés sur les baleines ils m’ont alors enjoint de leur faciliter une rencontre avec l’extincteur.
Sentant mes réticences sur ce que je considérais d’évidence comme une ingérence inacceptable dans ma vie privée, ils m’ont laissé, s’évanouissant dans la nature, d’abord vers les cuisines, puis réalisant qu’ils se trompaient de chemin, vers la rue. En partant, ils m’ont dit qu’ils me tiendraient informé des développements de la question à l’étude et ne manqueraient pas de voir d’un bon œil mon ami extincteur et son complice le réfrigérateur revenir à de meilleures intentions à leur endroit. J’ai dit que l’envers était bien aussi et ai repris la gustation de mon croissant que j’ai trempé dans une tasse de thé au jasmin.
Les choses en sont là. La pluie a repris sa chute et moi je cherche la mienne. Peut-être n’y en a-t-il pas et vous propose donc de m’en tenir à cela.