De Platon, d’Henri IV, de la révolution et de la recherche oppressante d’un téléphérique
Notre situation est une fois de plus alarmante. Notre quête d’un téléphérique reliant Copenhague à Bangkok est au point mort et au lieu de pouvoir consacrer un temps conséquent à ce préalable nécessaire à notre fuite, nous faisons face à de nouvelles dissensions et des menaces extérieures de plus en plus fortes.
Coincés dans notre petite bourlingue danoise entre le marché aux fleurs et le temple du bouddha incliné, j’imagine à quelques encablures de la petite sirène tirée de ce bon, brave et vieux Andersen, nous nous chamaillons sans cesse. Probablement est-ce le fait d’une promiscuité bien trop importante mais il demeure que les relations entre les pingouins à lunettes roses et mes autres amis laissent de plus en plus à désirer.
Ce matin, par exemple, tout a commencé lorsque les pingouins ont longuement observé l’autruche volante qui écoutait avec un délice évident les balbutiements du climatiseur avant de noter que s’il fallait en croire Platon et la corrélation qu’il avait établi entre la musique ou sons écoutés et le caractère et la valeur intrinsèque d’un individu il serait judicieux d’envoyer ladite autruche à la casse, ce qui vous l’imaginez n’a pas le moins du monde détendu l’atmosphère.
A peine Maria est-elle parvenue à détendre l’atmosphère qu’ils s’en sont pris au grille-pain en lui disant qu’entre Kierkegaard et Honegger il n’y avait qu’un « g » mais qu’aucune telle lettre ne figurait dans le saint nom de Piero della Francesca, ce qui à mon sens ne voulait pas dire grand-chose, mais a provoqué de violents larmoiements de notre ami si sensible et une éruption concomitante de violence du Yéti et de colère du réfrigérateur. Maria à calmé son petit monde en chantonnant une chanson de Prévert et tout est rentré dans l’ordre pour un temps.
Plus sérieusement, nous avons été informé par des voisins de passage venus nous amené quelques circuits électriques et des fruits pour notre déjeuner que l’on venait de retrouver la tête d’Henri IV ce qui a laissé tout le monde de marbre sauf le réfrigérateur qui a hurlé et clamé son innocence, a sauté sur place quelques minutes et menacé de se jeter par la fenêtre du rez-de-chaussée où nous trouvons si nous le dénoncions. Je lui ai fait remarquer que d’après les informations que nous possédions nul ne semblait avoir émis le moindre doute quant à notre éventuelle responsabilité et plus encore que les détails de cette importante affaire qui avait occupé en son temps et fort justement une place centrale dans les médias du monde entier ne mentionnait pas une recherche quelconque encore moins un mandat d’amener, rapporter, rejeter ou délaisser de quelque ordre que ce soit.
Mais ceci n’a pas calmé notre ami. Il s’est emporté furieusement, a indiqué que lors de la révolution des fruits et légumes dont j’ai parlé dans ces chroniques (NDLR publicité intempestive interdite par les termes explicites, implicites et cites de la loi 345 cbh / xx du 33 juin 2009 et susceptible de valoir à son auteur une récrimination affranchie de type B solennelle et plus si accord des autorités vigilantes, aimables et chéries) des incidents gaves avaient été répertoriés, que des actes indescriptibles avaient été enregistrés et que lui ne répondrait de rien même en cas de torture sauf en cas de chatouilles de degrés élevés incompatibles avec son complexe de réfrigération.
Le Yéti, évidemment, a sursauté à l’évocation du mot de révolution et s’est précipité vers la rue en hurlant ce mot à maintes reprises ce qui heureusement n’a eu aucune conséquence grave puisque son évocation en serbo-portugais-papou a laissé tous les marchands de marbre sauf un qui pensait que notre compagnon souhaitait disposer rapidement d’un collier de chrysanthèmes. Je ne sais pas si cette personne était bien ou mal intentionnée mais il reste qu’elle a pris des notes sur un calepin et est partie à grande vitesse peut-être pour nous dénoncer pour quelque crime de lèse-majesté à l’encontre de la monarchie danoise ou pour poster ceci sur Wikileaks voire avouer notre rôle dans la propagation d’informations secrètes sur la migration des autruches volantes. Allez savoir. Je ne peux que partager avec vous ce stress qui s’étend en mon être intérieur face à l’accumulation des menaces et le poids des responsabilités tel un assemblage de poupées danoises.
Je ne peux même pas dire que mon sang se glace à l’évocation des périls qui nous guettent puisque ceci pourrait avoir des répercussions indescriptibles sur la santé mentale de mon réfrigérateur.
Il ne reste qu’un seul impératif : découvrir ce fichu téléphérique le plus rapidement et efficacement que possible. Il doit bien exister quelque part, n’est-ce pas ?