De l’essoufflement de la révolution, de Turin et Saint-Pétersbourg, des ombres qui s’avancent et des poupées russes


De l’essoufflement de la révolution, de Turin et Saint-Pétersbourg, des ombres qui s’avancent et des poupées russes

 

Le tumulte est impressionnant mais de moindre importance qu’hier.

 

Les manifestants sont toujours nombreux mais la réalité quotidienne impose à chacune et chacun de reprendre ses activités habituelles même si les possibilités de s’exprimer demeurent. Des grappes et groupes de gens passent et repassent devant la pension de famille où nous avons élu domicile.

 

Les sourires sont toujours là mais ils sont de moindre intensité. J’imagine que ceux qui ont bousculé les obstacles réalisent lentement que la situation est semblable à un empilement de poupées russes. Ils ont bien entendu fait voler en éclat la première voire la seconde des figurines en papier ou carton qui les étouffaient mais en restent un nombre d’autres, nombre inconnu et selon moi assez important, et là est la difficulté, conserver l’énergie non pas du désespoir mais au contraire de l’espoir, pour abattre un à un ces obstacles, ou ces poupées, comme vous voudrez, alors que le luxe de la révolution n’existe pas pour la plupart de ces jeunes, il n’y a que la souffrance du quotidien, et les sourires se réduisent, et la poussière qui recouvre tout dans ce pays dont nous ignorons toujours le nom, dont nous ne comprenons pas la langue, dont les gens nous voient sans nous voir, dont l’histoire nous est inconnue, dont les manipulateurs sont d’évidence manipulés et les manipulés sinistrement et doublement ou triplement manipulés, cette poussière finit par recouvrir tout tel un linceul non point blanc et non point de Turin mais beige et sombre.

 

« Il n’y a plus d’amour à Saint-Pétersbourg » s’amuse à chanter l’autruche volante, flottante et trébuchante depuis ce matin, sa bonne vieille rengaine sans signification mais signe que les choses reviennent dans un semblant de normalité.

 

L’extincteur fort sage est revenu de sa bibliothèque et nous a informé que les traits caractéristiques de cette révolution étaient qu’elle n’était pas bourgeoise mais portée par une jeunesse dont on pensait auparavant qu’elle n’était pas intéressée par la chose politique et que lui il aimait cela même si les risques que tout termine mal étaient assez conséquents.

 

Il a ajouté que « le monde avançait vers une crise généralisée de par la conjonction d’un déplacement brutal de son centre de gravité de l’ouest vers l’extrême orient et l’avènement d’un hyper égoïsme d’une classe dirigeante hyper-riches et totalement insensibles aux besoins de populations perçues de manière Stalinienne, c’est-à-dire comme de simples statistiques ».

 

Je pense qu’il n’a pas tort.

 

Lorsque les tensions deviennent de plus en plus fortes, que les décalages et différences se creusent rapidement, tôt ou tard tout finit par exploser et plus ce phénomène tarde à venir plus l’explosion est grande.

 

Ce n’est pas parce que le tremblement de terre gravissime annoncé pour la fin du dernier millénaire en Californie ne s’est pas produit qu’il ne se produira plus jamais. Au contraire, son importance sera plus grande même si nul ne peut prédire lorsqu’il se produira, demain ou dans un siècle. Mais je ne suis pas un expert, vous le savez bien.

 

Maria au regard si profond que souvent je m’y noie, est revenue de ses multiples incursions dans le pays de l’intérieur, là où la révolution ne s’est pas enfoncée, pour y dénicher les lieux où sont oubliés des milliers de prisonnier d’opinion et les libérer et nous a annoncé qu’elle était heureuse d’avoir ainsi ramené au soleil une population entière de taupes oubliées et tristes. En même temps elle nous a dit rencontrer de plus en plus en plus de femmes lui disant que des fantômes du passé se promenaient la nuit et s’y comportaient comme des ombres criminelles, violant, dérobant, kidnappant les proies les plus faciles, celles ayant abandonné la peur et retrouvé le courage et l’espoir.

 

Le Yéti anarchiste et la machine à gaz rondouillarde à tendance politicienne se sont enfermés dans leur chambre pour préparer leur débat au sommet de demain. Un après l’autre, ils nous ont demandé notre assistance mais fort justement je pense nous leur avons dit qu’il était hors de question d’aider l’un au détriment de l’autre. L’abstention est mère de sûreté entre amis…

 

Les trois pingouins aux lunettes roses, amateurs de Piero della Francesca se sont cependant proposé de les aider et ont de manière fort transparente mis leurs exigences sur la table : « nous aiderons celui qui nous paiera le plus cher, qui s’engagera à instaurer une année Piero dans ce pays stupide, qui nous aidera à trouver Arezzo pour y instaurer une République digne de ce nom et qui enfin accordera à tous les pingouins du monde l’immunité absolue et les privilèges des despotes disparus ».

 

Le Yéti anarchiste leur a dit qu’il s’empresserait de le faire dès qu’il deviendrait Pape ce qui nous a fait tous pouffer de rire, y compris l’autruche, même si dans ce cas particulier je ne suis pas sûr qu’elle ait tout compris, d’autant qu’elle nous avait demandé un peu auparavant si dans les crêpes sucrées il fallait mettre autant de marins et de pompiers que dans les salées. Nul n’a répondu mais la petite fille au manteau rouge, la fille de la propriétaire de la pension, lui a donné une sucette rouge pour la calmer.

 

De mon côté, j’ai informé mes amis de l’état de mes recherches et investigations conséquentes concernant la disparition non avérée et inexpliquée du grille-pain existentialiste réincarné en radiateur jaune artiste multiforme de la manière suivante : « nous sommes bredouilles, aucun signe de vie, aucune trace, rien, pas la moindre information, rien… il est possible que nous n’ayons pas d’autre recours que de prochainement considérer la disparition du grille-pain définitive avec toutes les conséquences que l’on imagine… Je suis désolé… » Mais, pour l’heure, nous continuons d’essayer et de rechercher la trace de notre ami.

 

Ce qui m’a le plus troublé dans cette affaire, je dois l’admettre, c’est que dans le tumulte des évènements cette disparition semble moins difficile à accepter qu’elle l’aurait été dans d’autres circonstances. L’échelle de nos valeurs n’est pas la même selon ces dernières. Tout est relatif, même la douleur.

 

Mais ne relâchons pas nos efforts. Si vous deviez avoir des nouvelles à nous annoncer, mêmes mauvaises, n’hésitez pas à nous le faire savoir.

sol227

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