Des contradictions que l’on découvre et de l’intrusion d’un extincteur fort sage dans une histoire qui ne le regarde pas


Des contradictions que l’on découvre et de l’intrusion d’un extincteur fort sage dans une histoire qui ne le regarde pas

 

L’autruche volante, flottante et trébuchante est en maison d’arrêt.

 

Le grille-pain existentialiste y est également.

 

Les deux se sont déclarés responsables et coupables de bouleversements dont ils ignorent tout, survenus dans un pays qu’ils ne connaissent pas et à un moment où ils ne soupçonnaient même pas son existence.

 

Mes autres amis sont dans leur chambre et se délassent en écoutant de la musique et jouant aux cartes attendant patiemment que les évènements se précipitent, étant convaincus au-delà de la raison que c’est ainsi que les choses se termineront.

 

La foule dans la rue qui hier vociférait des slogans hostiles et haineux contre le pauvre grille-pain amateur de Kierkegaard est aujourd’hui massée le long de l’avenue des pins parasols et hurle des slogans haineux contre l’autruche.

 

Ce qui me paraît fascinant, mais peut-être est-ce le résultat de mon ignorance parfaite de cette ville, de ses coutumes et us, du passé qui est le sien, est le contraste entre une extraordinaire liberté de ton et d’action s’agissant de certains sujets, par exemple l’incarcération de mes amis, et une impossibilité quasiment congénitale d’aborder ou mentionner d’autres sujets.

 

Allez chez l’épicier du coin et criez ce que vous voudrez concernant le grille-pain, jetez des paquets de pâtes ou des conserves de tomates en l’air et tout le beau monde autour de vous se joindra à vous, criera contre les autorités qui n’en font pas assez ou trop, au gré des circonstances, se joindra à vous dans la rue et vous formerez rapidement un petit cortège que nul ne songera à arrêter.

 

Par contre, allez chez le même épicier et chuchoter quelque chose du style: excusez-moi, je suis étranger à ce lieu, de quels évènements parle-t-on? Que s’est-il exactement passé il y a quelques mois? De quoi accuse-t-on ces monstres qui ont enfin avoué leurs sinistres actes? Et l’on vous regardera avec stupéfaction, se tournera vers le mur le plus proche, s’enfuira si c’est possible. Nul ne vous répondra, les regards tournés vers vous se perdront dans un triangle des Bermudes de l’âme, un abîme d’incertitude, des couches profondément enfouies dans un sol graniteux.

 

Je ne parviens pas à comprendre ce dont il s’agit, la causalité liant ces deux phénomènes, je suis simplement impuissant.

 

J’en ai parlé à l’extincteur fort sage. J’ai évoqué cette contradiction et il m’a répondu que celle-ci provenait certainement d’une combinaison d’éléments dont ne nous connaissons pas la posologie. Il doit y avoir un zeste de nausée à l’idée de se remémorer un drame de dimension importance, une once de perplexité par rapport à la réaction possible des autorités et plus insidieusement encore du groupe social alentour, un chouia de frayeur quant à la possibilité que celui ou celle qui pose les questions ne fasse partie du gang ayant provoqué les drames ignorés. Il s’agit assurément d’une société soumise à une très intense mais insidieuse surveillance des autorités dont l’incarnation est laissée volontairement aussi floue que possible.

 

Puis, l’extincteur rouge et transpirant de confusion à l’issue de son explication s’est levé et m’a demandé de l’accompagner au tribunal des justiciables heureux et débonnaires pour l’épanouissement des âmes et esprits supérieurs ce que j’ai fait avec un certain niveau de perplexité teintée de méfiance.

 

Pourquoi voulait-il aller en cet endroit?

 

Je le lui ai demandé et il m’a simplement assuré que ce qui devait être serait et que le reste importait peu.

 

Je n’ai pas tardé à comprendre qu’il répondait à un appel subliminal et lorsque nous avons rencontré l’huissier en charge d’une partie du dossier il s’est déclaré lui aussi responsable et coupable exclusif des agissements, actions, évènements et bouleversements survenus dans les deux à cinquante-trois mois précédents.

 

Ceci m’a naturellement surpris, pour ne pas dire stupéfié, et l’huissier de catégorie 17, b, a manifesté son irritation en disant à son chef de catégorie 12, c, encore un abruti qui se dénonce, si cela continue comme cela tout le monde sera en taule.

 

Je n’ai rien dit car on ne m’a rien demandé.

 

J’ai simplement suggéré à mon ami de faire preuve de discernement et objectivité et d’éviter de rendre les choses plus compliquées qu’elles n’étaient. Il m’a regardé en souriant et de manière assez inattendue a dit: tu ne comprends vraiment jamais rien, n’est-ce pas? Et il s’est retiré dans sa cellule d’isolement.

 

On m’a raccompagné vers la sortie et je suis retourné à la maison d’hôte pour expliquer à mes autres amis ce qu’il en était. Naturellement ils n’ont pas été très surpris. Bien entendu, ils m’ont regardé avec un sourire empli de commisération.

 

Je me suis tu, me suis tourné dans mon coin et ai grignoté des asperges à la confiture d’orange.

 

Que pouvais-je faire d’autre?

 

§591

3 commentaires sur « Des contradictions que l’on découvre et de l’intrusion d’un extincteur fort sage dans une histoire qui ne le regarde pas »

      1. ça ne manque pas d’originalité 🙂 j’espère ne pas être l’intruse.
        ..pas grave je ne suis pas grande comme une asperge je ne risque rien devant ce curieux tribunal..je pense qu’il faudrait mettre des lunettes jaunes aux autruches c’est de saison..bon je n’ai rien dit chut!

        Aimé par 1 personne

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