De chaos en chaos par cahot interposé et d’un petit service que j’aimerais humblement vous demander, si, si, vous avez bien lu…
Le temps s’est donc progressivement arrêté hier, lentement, délicatement, par intervalles de sept secondes ou minutes.
Le monde progresse de chaos en chaos, cela je ne l’ignorais pas, mais je n’avais pas soupçonné qu’entre ces moments de confusion extrême il y avait des phases d’étirement du temps, des longs moments de silence, des temps de respiration, et des cahots – ce qui n’est finalement pas si impossible à imaginer que cela, des cahots entre les chaos et pourquoi pas des KO pour couronner le tout ?
Je souris en tapant ces mots mais vous comprendrez qu’il s’agit d’une pointe d’humour grinçante, une apostrophe peu élégante pour cacher un profond désarroi.
Je récapitule, à titre d’inventaire :
(i) le temps telle une voiture ayant des difficultés avec un embrayage patineur, une batterie ou un réservoir vide, s’est fatigué et au beau milieu de notre procès s’est mis à brouter à des temps précis décrivant une suite géométrique basée sur le chiffre sept, ne me demandez pas pourquoi, c’est ainsi,
(ii) ces laps de temps, ces apostrophes, ces cahots, appelez-les comme vous voudrez, ont été de durée de plus en plus importante, et lors des septièmes ou quatorzièmes heures, ont avoisiné plusieurs heures,
(iii) mais ces parenthèses ne sont perçues que par certains observateurs, je ne sais s’il faut les qualifier de privilégiés ou non, on verra cela plus tard,
(iv) pour toutes les autres personnes ou sujets de cette observation, il ne se passe rien, absolument rien, ils ne se rendent compte de rien,
(v) mais pour nous, les mouvements aux alentours ralentissent prodigieusement pour s’arrêter et ne reprendre qu’en fin de cahot, les sons restent suspendus en l’air et se transforment en vrombissements ressemblant parfois à des ronflements nocturnes,
(vi) nous pouvons nous lever, discuter entre nous, quitter la salle, nous promener en ville, revenir bien plus tard, et nous retrouvons la salle très exactement dans le même état qu’au moment où nous l’avions quittée, les personnages dans la même position, puis tout reprend doucement vie et le juge des bonheurs, liberté, sécurité et droits divers reprend sa plaidoirie, pour nous une ou deux heures se sont écoulées, pour lui un dixième de seconde,
(vii) les vivants ainsi immobilisés se transforment en statues de sel, et si l’on tente de les bouger ou déplacer ils deviennent plus lourd que une masse d’acier, ce qui semblerait indiquer que le ralentissement du temps s’accompagne pour les sujets du temps présent en un accroissement de la masse probablement inversement proportionnel à celui du temps chaotique,
et (viii) le temps serait ainsi de nature plurielle, un temps désordonné pour nous et ordonné pour eux, mais si l’on envisageait que chacun pourrait rencontrer une illusion du temps similaire mais à des instants différents, on pourrait en déduire que pour chaque individu ou société le temps progresse de manière différente, uniforme ou non, à chacun son schéma d’évolution, son modelage, ses caractéristiques.
Ces notions physiques rejoignent bien entendu la philosophie mais ceci est un terrain sur lequel je n’oserai m’avancer évoluant au sein d’un groupe d’individus férus de celle-ci, à commencer par le grille-pain existentialiste et l’extincteur fort sage, sans mentionner ici Maria au regard si profond que je m’y perds à chaque fois que le mien s’y aventure…
Je viens de faire ce que je souhaitais éviter, c’est-à-dire prononcer le nom de ma chère Maria que j’ai trahie de manière si vulgaire et ridicule…
… je me dois d’ouvrir une parenthèse à cet égard, ne m’en veuillez pas si tout cela devient chaotique dans ce cahot du temps, si tant est que le temps est irrégulier et relatif, chaotique ou uniformément évolutif, personnalisé, on serait tenté d’imaginer que le temps pourrait par instant évoluer de manière circulaire, ce qui permettrait d’espérer biffer tel ou tel évènement pénible de l’histoire récente ou non.
Les humains en tant que collectivité ou société le font en permanence, n’est-ce pas ? si tel n’était pas le cas nous ne nous contenterions pas de réitérer les mêmes erreurs à chaque balbutiement de l’histoire… dont acte !
Donc, on pourrait envisager que ce mouvement circulaire du temps avec balbutiement et amnésie s’applique également aux particuliers, n’est-ce pas ?
Vous me voyez venir avec mes grands sabots…
Ainsi, l’individu sournois, lâche et pleutre que je suis pourrait peut-être renier son passé récent, celui où il a rencontré cette monitrice de sport et l’a courtisé lamentablement avant de finir dans ses bras tel un jeune cabri en dévotion lunaire, tout cela en oubliant complètement l’existence de ladite Maria… et ce passé pourrait ne jamais avoir été… et cet incident ridicule pourrait se révéler être un simple accident temporel expulsé de l’histoire contemporaine, une anecdote sans intérêt, un flétrissement d’une errance rationnelle… et je pourrais ainsi ne plus avoir besoin de me livrer en confession puisque ledit évènement pourrait ne pas avoir eu lieu… n’ayant pas existé, ayant été effacé du temps récent, ce moment d’échanges fugaces serait simplement recouvert par un emplâtre temporel lissé sur la blessure qui me hante…
Ou, pour traduire ceci de manière plus philosophique, ‘pas vu pas pris !’
Ceci me paraîtrait envisageable mais il y a juste une petite difficulté, et cette difficulté c’est vous, chers amis, oui vous, les paires d’yeux qui lisez ces lignes, car si vous en êtes là vous aurez probablement lu les lignes d’il y a deux ou trois jours et là ce serait gênant pour moi, car il y aurait en quelque sorte un dérèglement de la mémoire collective, un décalage entre mon temps à moi et le vôtre, pour ne pas parler du nôtre…
Aussi, je me demandais si vous pouviez avoir l’amabilité de revenir en arrière de deux ou trois jours sur ce blog et effacer les lignes qui concernaient ma rencontre avec cette jeune et fort jolie personne, soit dit en passant mais en tout bien tout honneur, ce serait très sympathique de votre part, ce serait hautement apprécié…
Donc si vous le voulez bien, je vais vous laisser là pour aujourd’hui pour vous permettre d’effacer de votre ordinateur toute trace de mon passé récent, je veux dire l’épisode que je ne nommerai plus, et donc du vôtre, oubliez ce qu’il en a été, oubliez tout, ce ne devrait pas être trop difficile,
Après tout l’humain sous pression de tous les charmants philanthropes que ce monde compte a fini par développer une amnésie non plus feinte mais bien réelle, une faculté d’omission et d’oubli assez surprenante,
Alors s’il vous plait, ce privilège que vous accordez quasiment quotidiennement aux grands et puissants pourriez-vous l’étendre à mon humble et misérable personne ?
A demain donc… votre minuscule vermisseau, votre sympathique serviteur…
et l’oeil était dans la tombe et regardait Caen!!!
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