De l’importance de ne jamais confier à des pingouins une transportation virtuelle et d’une douce et sainte colère de l’auteur de ces lignes


 

De l’importance de ne jamais confier à des pingouins une transportation virtuelle et d’une douce et sainte colère de l’auteur de ces lignes

Je vais probablement regretter ce que je vais écrire, ce n’est pas politiquement correct, c’est parfaitement inapproprié, et vous direz ensuite que ce qui était arrivé était en fait inopiné, totalement, et vous m’en voudrez, je le sais bien, et je vous prie humblement et par avance de bien vouloir excuser mon emportement singulier et probablement surprenant, c’est un fait, mais disons-le nettement, haut et fort, ne laissez jamais un crétin de pingouin diriger une opération de transportation virtuelle, ceci ne pourra que mal se terminer.

Voilà c’est dit et pour la première fois depuis le début de cette chronique avec des termes légers et inadéquats. Pardon, mille pardon, dix mille pardon mais, je dois vous l’avouer, je suis vraiment excédé.

Que l’on me comprenne bien, je n’ai rien en particulier contre la gente pingouine, je la trouve pour le moins sympathique, évoluée, cultivée, charmante et attachante, tout cela est une évidence, donc rien dans mes propos ne doit être considéré comme une attaque de naturelle globale contre l’espèce pingouine qui au demeurant se trouvera bientôt dans une situation délicate compte tenu du réchauffement climatique et de la présence contiguë desdits pingouins ainsi que des ours sur les mêmes lopins de glaces et pierre, ce qui ne sera bon ni pour la croissance des glaces ni pour celles des bipèdes dont il s’agit, donc je le répète il n’y a de ma part aucune volonté de dénigrer une espèce animale dans son ensemble.

Le fait que les pingouins soient originaires du nord de l’hémisphère occidental n’entre nullement en compte dans le constat que j’ai fait, ce serait proprement déplacé voire raciste, je n’éprouve aucun sentiment particulier à l’égard ou l’encontre des populations de ces contrées septentrionales, pas le moins du monde, rien à dire, rien à voir, je suis sourd à ce type de propos.

Je n’ai rien non plus contre la couleur blanche et naturellement rien contre la couleur noire, ni d’ailleurs rien contre quelque couleur que ce soit, je m’en fiche éperdument, cela m’indiffère ou plutôt me laisse pantois et coi, je suis silencieux, j’aime toutes les couleurs, rien à dire là-dessus, comprenez-le bien.

Quant au fait que mes pingouins à moi portent des lunettes roses, je vous prie de n’en tirer aucune conclusion, les questions de genre ou autre ne sont pas du ressort de cette tribune ou chronique, pas de cela ici.

La propension naturelle desdits bipèdes palmés et volants de se promener en groupe de trois ne doit pas être retenu contre moi, je n’y peux rien et je n’ai aucune idée si cela se produit ainsi dans la nature, mais dans une chronique intemporelle, virtuelle et absurde, ceci n’entre pas en ligne de compte. Non, pas de problème de cette nature-là.

Enfin, si vous pensez noter dans mes propos des considérations déplacées contre ce cher Piero della Francesca, je vous prie d’effacer ceci de vos mémoires, carnets de note ou cartons de rangement sur lesquels vous êtes peut-être en train de préparer mon acte d’accusation.

Tout cela n’a rien à voir.

Par contre, permettez-moi de vous rappeler quelle était la situation de notre entreprise hier soir à 23 heures et 59 minutes.

Nous étions, je vous le rappelle, sous l’impulsion de Maria au regard si profond et délicat que je m’y perdais tout le temps, là je vous prie de noter le temps que j’utilise, pas le présent, ô grands ou petits dieux non, le passé, l’imparfait, c’est-à-dire que ceci est dans mon passé et que j’ai perdu cette espérance de perfection qu’elle représentait, et bien nous étions en train de réaliser notre rêve commun depuis des mois, quitter ces lieux de misère, chaos et convulsion et rejoindre Arezzo la douce, en Toscane, au milieu de laquelle une chapelle s’élève contenant les fresques du bien nommé Piero.

Maria avait négocié avec l’individu louche qui est le créateur de ces lignes la possibilité de prendre pied dans cette réalité virtuelle là et de nous y rendre ensemble et rapidement, sans autre forme de procès, en tout bien et tout honneur, sans baignoire qui fuit, bateau qui chavire, avion qui s’écrase, non tout simplement par la sainte intercession des lois et principes informatiques.

Maria avait enjoint au créateur de ces lignes de nous accorder la possibilité de nous ressourcer à Arezzo pendant quelques temps, juste ce qu’il faut pour nous reposer un peu, déclarer en passant l’indépendance de la cité et peut-être, admettons-le, soyons franchement fous, créer quelques trépidations, tumultes et turpitudes légères et digestibles en passant, rien de moins mais rien de plus non plus.

Tout était au point.

Nous étions en cercle, Maria, cette chère autruche volante, flottante et trébuchante qui pour l’heure se contentait de hoqueter « eh viva la révolucion, que Saint-Pétersbourg soit, et vivement qui verra que viennent les vieux », les trois pingouins innommables, et la machine à gaz rondouillarde à tendance politicienne et dorénavant dépressive.

Bien sûr manquaient le Yéti anarchiste et l’extincteur fort sage mais cela vous le savez déjà.

Quant au pauvre grille-pain existentialiste, je suis encore trop ému pour vous en parler mais tient dans ma poche arrière droite le fil gainé de plastique noir qui lui permettait de se ressourcer en jus de fruit électrique.

Donc tout était approximativement au point, les présents en cercle et les absents en carré d’absence.

Chacun tenait son ipad en main sur lequel nous avions écrit le mot sacré, Arezzo, et par l’intercession de googlemap et le bénéfice du doute nous étions censés entre 24 heures et zéro heure zéro minute et zéro seconde, nous propulser vers ladite cité toscane, tous ensemble, en cercle vertueux, la main dans la main. La jeune fille au foulard rouge nous regardait avec un brin de mélancolie douce dans l’œil droit et de nostalgie dans le gauche.

Tout était au point mais ces braves et bons pingouins n’ont pas réussi à se tenir calme et coi comme l’accord en sept exemplaires signés avec l’auteur le stipulait.

Ils se sont émus de la possibilité que nous ayons épelé la ville d’Arezzo de manière inappropriée et sont précipités sur nos écrans luisants et polis pour policer la police de nos ipad à l’ultime moment ce qui a créé confusion et chaos nous propulsant quelques secondes plus tard chacun dans un endroit différent.

Me voici donc, chers amis lecteurs sur l’île d’Arezo dans la province azerbaidjanaise orientale sis en Iran, grâce m’en soit rendu, avec pour compagnon remarquable un des trois pingouins tandis que mes amis sont, je l’imagine, près du lac d’Arreso au Danemark ou dans la ville d’Areso au pays basque espagnol.

Quant à imaginer que l’une ou l’autre soit arrivée à Arezzo en Toscane j’ose à peine l’imaginer et, si tel devait être le cas, je pense que ce pourrait être la jeune fille au foulard rouge qui n’en avait pas demandé autant.

J’ai toujours affirmé que la vie était une succession de hasards, en voici une nouvelle démonstration et si vous le voulez bien permettez-moi de célébrer mon cher compagnon pingouin en lui volant les plumes pour vous envoyer cette missive ma plaquette étant tombé en panne de batterie, ce qui finalement ne m’étonne pas, plus rien ne m’étonne, l’étonnement ne saurait être autre chose qu’un cousin germain de ma solitude. Je vous souhaite une bonne nuit où que vous puissiez être, ne jouez pas trop avec votre ipad, on ne sait jamais…

sol571

D’un discours sur la méthode et du peu d’influence que cela peut avoir sur notre comportement


D’un discours sur la méthode et du peu d’influence que cela peut avoir sur notre comportement Notre séjour dans cette terre de misère et poussière touche à sa fin. Nous l’avons annoncé à la jeune fille au pull rouge et à sa mère. Nous avons fait ce que nous pouvions faire, c’est-à-dire pas grand-chose, mais […]

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D’un discours sur la méthode et du peu d’influence que cela peut avoir sur notre comportement


D’un discours sur la méthode et du peu d’influence que cela peut avoir sur notre comportement

Notre séjour dans cette terre de misère et poussière touche à sa fin. Nous l’avons annoncé à la jeune fille au pull rouge et à sa mère. Nous avons fait ce que nous pouvions faire, c’est-à-dire pas grand-chose, mais au moins aurons-nous essayé, certains de manière décisive et constructive, telle Maria au regard si profond que je m’y perd si fréquemment ou l’extincteur fort sage qui a proposé des références historiques à toute une jeunesse laissée à elle-même, d’autres avec une dose de décalage avec les besoins, la réalité et les circonstances, c’est-à-dire l’autruche volante, flottante et trébuchante, les trois pingouins aux lunettes roses amateurs de Piero della Francesca et votre serviteur, perdus dans des recherches infructueuses, des contemplations inutiles et des observations stériles, et enfin, d’autres encore, à contre-courant ou de manière parfaitement intrusive et paternaliste, néocolonialiste pourrait-on dire, tentant d’imposer à des peuples qui ne le leur avait pas demandé leur avis, opinion ou marche à suivre stéréotypée, je veux dire la machine à gaz rondouillarde à tendance politicienne et le Yéti anarchiste.

Nous allons donc quitter les lieux, en tout cas certains d’entre nous, Maria, l’autruche, les pingouins, la machine rondouillarde dorénavant fortement aigrie et marquée dans son ego révulsé et rejeté, et l’auteur de ces lignes.

Nous irons à Arezzo.

Notre destination est claire et notre détermination intacte. Nous y irons car c’est une promesse que nous avons faite aux pingouins et peu importe le caractère ridicule, niais ou absurde de cette quête nous nous devons d’y aller.

Mais cette fois-ci nous procéderons autrement qu’il y a quelques semaines. Finies les hésitations et le laisser-faire, nous ne nous laisserons pas entraîner sur les sinuosités du destin par quelque navire humanitaire ou des baignoires trouées. Depuis ce matin nous réfléchissons au meilleur moyen d’entreprendre cette traversée.

Nous avons réuni cartes et ordinateurs, avons repéré Arezzo sur des plans de différentes tailles et format, avons compilé matériels, logiciels et données et échangé toutes sortes d’idées.

Le premier constat que j’ai formulé est qu’il serait bon de déterminer le nom du pays dans lequel nous avons échoué voici des semaines déjà, ainsi que la ville où nous nous cachons actuellement. « Ce serait un bon point de départ » ai-je fanfaronné à l’adresse de Maria montrant que mon séjour dans le désert avait eu quelque effet salutaire « et de là nous pourrions dresser des lignes, tracés et itinéraires. Adieu les approximations du temps où nous pensions être partis de la bonne et belle île de Vienne et naviguions sur la Mer d’Autriche, fini tout cela. Nous devons être précis, procéder par extrapolation, déduction, et recoupement des faits et analyses. Le sérieux de notre méthode ne doit plus être sujet à caution ».

Tout le monde a opiné du chef et nous nous sommes penchés sur toutes les cartes disponibles jusqu’à ce que les pingouins ne proposent plus prosaïquement de nous rendre à l’aéroport le plus proche et prendre des billets car après tout, ce serait la démarche la plus légitime et naturelle, un aéroport, deux aérogares, trois avions, quatre passagers et cinq pilotes, et vogue la galère, direction Arezzo, et qu’on nous serve purée de marrons et quiche aux poissons avec un bon verre de Merlot Tessinois. Voici la façon la plus simple de procéder.

Nous avons alors ouvert d’autres livres, manuels, ordinateurs et médiums de toutes sortes, jusqu’à ce que Maria ne déclare très simplement que « la gente humaine étant ce qu’elle est, c’est-à-dire peu tolérante de nature et dans les circonstances assez suspicieuses je ne suis pas sure que l’arrivée d’un groupe d’amis composé de deux humains, une machine, trois pingouins et une autruche volante se fasse dans la discrétion et conduise à une action décisive, circonstanciée et adéquate du personnel au sol de quelque compagnie aérienne que ce soit ».

Nous avons arrêté notre frénétique recherche et avons contemplé le plafond fort beau de la pension de famille de la mère de la jeune fille au tee-shirt rouge, songeurs, atterrés, perplexes, jusqu’à ce que l’autruche dans sa faconde habituelle ne déclare « cigognes dans le ciel, paquets dans le bec, moi je vole, vous dans paquets, et pan dans le ciel, et sourires partout, le bonheur est là, l’arc-en-ciel se crée et nous avançons, les choux sont gras, les bambins pleurent, on les comprend, mais on avance ».

Nous avons alors envisagé la proposition étonnante de notre volatile préféré analysant notre poids total brut, bagages non comptés, déterminé la surface de tissus nécessaire, calculé la résistance de ce dernier suivant la formule bien connue xgt x T2 = m(e/7.89)/14×3, envisagé la force de portance des ailes de l’autruche, déterminer ses battements d’aile à la minute, extrapoler sur une heure et finalement conclu de par le bec des pingouins qu’il faudrait trois cent kilos par heure de pâte d’arachide, merlan, fils électriques et beurre d’anchois pour nourrir l’autruche ainsi que trois cent deux litres d’eau par période de trois heures et sept minutes, ce qui paraît parfaitement inadapté et impossible à concevoir de la manière méthodiste, méthodique et kantienne suggérée par Maria la douce. Adieu le transport par voie autruchienne, ce qui n’est pas si regrettable par ailleurs puisque nous n’avions pas obtenu la certitude de pouvoir voyager en classe affaire.

Nous avons repris la discussion à son point d’origine et étudié la possibilité de prendre le train, mais ceci nous a entraîné dans des circonvolutions fort regrettables sur les points précédemment évoqués notamment le point de départ, « où sommes-nous bon dieu ! » a résumé l’un des pingouins, une expression regrettable qui a provoqué une discussion de nature théologique avec la machine à gaz rondouillarde qui a retrouvé un peu de sa fraîcheur et verdeur pour indiquer « je vous ai compris, et si tel est le cas, croyez bien que le tout puissant vous a compris. Vous n’imaginez tout de même pas qu’un assemblage de métal puisse déterminer quelque chose que le très haut et très puissant n’aurait pas imaginé un quart de seconde avant lui. Si moi je comprends, alors Lui, ou Elle, perçoit tout avant que nous ayons envisagé de concevoir ladite pensée ».

Deux heures de discussion échevelée s’en sont suivies. Finalement, Maria nous a interrompu et a dit très simplement la chose suivante « Soyez prêts demain matin à neuf heures. Nous partirons. Je vous indiquerai comment. Pour l’heure, que chacun s’apaise et que nous profitions de ces dernières heures pour prendre congé dignement de celles et ceux qui nous ont accueillis dans cette pension ».

Nous en sommes là, réunis autour d’une table, dégustant des plats et mets plus raffinés les uns que les autres, entendant des chansons tendres et douces psalmodiées par trois jeunes vieillards du voisinage, et profitant une dernière fois de la douce et chaude atmosphère de ce pays convulsé mais si humain.

Je ressens une douleur étrange du côté gauche de ma poitrine, j’ai l’impression que l’on appelle cela un pincement au cœur mais dans la mesure où je suis assis à côté de Maria, ma main dans la sienne, ceci ne saurait être le cas.

Alors, que l’or du soir tombe, mes yeux sont las, et mon âme colorée est prête à toute éventualité.

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