De mes aveux sincères et émouvants, de mes crimes, de mes erreurs, de mon bienfaiteur policier, de mon bienheureux juge, et d’une addition un peu salée
Je dois l’admettre, c’est une chose qui m’étonne moi-même, mais c’est écrit, noir sur blanc, feuillet après feuillet, je suis un criminel notoire recherché par plusieurs polices du monde entier, je ne l’aurais pas cru si je ne l’avais pas lu mais tel est bien le cas, je suis un infâme criminel, c’est un représentant de la police bienfaisante de l’ordre, la sécurité, du bien-être et des droits fondamentaux de la personne qui me l’a assuré avec beaucoup de sérieux et de commisération dans la voix, je suis un affreux criminel, noir sur blanc, je vous l’ai dit et je le répète, et c’est signé en bas à droite du dernier feuillet et paraphé sur tous les autres, j’ai reconnu la signature, pas d’erreur possible, mon prénom puis mon nom, un peu hésitant car je n’étais pas en très bon état lorsque j’ai apposé ladite signature, tout cela est écrit de manière intelligible et les aveux fournis de mon plein droit, plein gré, et pleine attention, avec force louange, sérénité et doléance transparente et fidèle, sont recevables j’en attesterai plus tard lorsque je rencontrerai mon juge, bon et loyal, un homme bien sous tous rapports, sympathique et avenant, c’est ce que m’a dit qui m’a expliqué le commissaire Jorgensen, qui est si propret, honnête et méthodique qu’un avocat n’est même plus nécessaire, car il aime bien les aveux, surtout ceux extraits par confession honnête et louable, gentiment présentés, avec signature reconnaissable et conforme à celle du passeport, démontrant et attestant avec célérité et sérénité que l’étranger que je suis s’est introduit sur le territoire de l’Etat dont il s’agit et
(1) a provoqué des troubles durables et conséquents à l’ordre public, a plongé une partie du territoire dans un chaos absolu,
(2) s’est livré à un trafic de biens de consommation et mobiliers rares, tels par exemple des machines à gaz rondouillardes et des extincteurs rares,
(3) a tenté de soudoyer des magistrats aimables, bons et honnêtes afin de permettre la sortie à des fins bassement mercantiles d’animaux protégés par la Convention de Berne, de Lourdes et de Papouasie Nouvelle-Guinée et Basse Bretagne, telle l’autruche volante de Birmanie orientale,
(4) a soutenu des thèses néocoloniales et xénophobes en affirmant la suprématie de Yétis anarchistes sur le commun des mortels non poilus et non roux,
(5) s’est refusé à livrer à la saine vindicte populaire des contrebandiers d’œuvres de la renaissance, en particulier des pingouins ascétiques grotesques amateurs de Piero della Francesca,
(6) a privé une partie de la population de cet Etat tropical des bienfaits de la chaleur par infraction, effusion et fibrillation des fameux radiateurs jaunes à stries multiformes,
et (7) a détourné des fonds, des biens, des hommes et même des représentants féminins à la juridiction humaine précitée, notamment une étrangère au regard effronté et donc forcément répréhensible et de basse extraction, mais quand même une humaine.
Ledit juge, d’après mon bon et honnête policier qui me regarde avec un sourire joli et affable, est de nature pacifique et sympathique et aime les aveux extirpés par confession gratuite, fortuite et libre, selon les propres dispositions légales et paramédicales de la loi du 3 Ventôse de l’an 215, ce qui pourrait le conduire à déduire de la peine légitime librement décidée par le juge et acceptée avec sourire et remerciements chaleureux 125 années de plein droit et 7 de côté, une situation que j’ai considérée parfaitement appropriée et pas tout à fait négligeable.
J’ai cependant demandé à toutes fins utiles et mêmes inutiles, on ne sait jamais, quel était le total de la peine exigible et il a fait le total suivant avec un crayon qui m’a fait sursauter – car allez savoir pourquoi depuis mon interrogatoire je n’aime plus ce type d’outils pernicieux surtout lorsqu’on l’approche de l’oreille ou des yeux : 53 + 34 + 21 + 19 + 18 + 0,00000001 = 155 ans et des poussières.
Faisant jouer les déductions au titre de la TVA, de la bière moussue jaune à tâches vertes, et des bénéfices indirects pour le préfet, le commissaire, le femme de celui-ci, le juge, le greffier, le policier et les autres, ceci devrait m’amener à 126 ans, donc 126 – 125 = 1 an, un bon compte selon l’honnête homme.
J’ai secoué la tête comme un brave et bon imbécile et ai souri.
Il m’a serré la main, m’a serré dans mes bras, m’a serré ailleurs où je n’ai pas tellement aimé mais je n’ai pas très bien su comment le lui dire sans l’effaroucher, et m’a laissé dans les mains d’un autre individu, le juge je pense, qui lui aussi m’a souri et m’a amené vers un bureau où j’ai à nouveau tout signé, de mon plein gré et mon demi gros, avant de me retrouver dans une pièce sombre et sans lumière mais avec odeur.
C’est de là que je vous écris.
Je regrette de vous avoir induit en erreur. Je ne suis pas un chroniqueur accompagné de ses amis extincteur fort sage, Yéti anarchiste, autruche volante, flottante et trébuchante, pingouins amateurs de Piero, machine à gaz rondouillarde, grille-pain existentialiste réincarné en radiateur jaune artiste multiforme, et Maria la toute belle, non pas du tout, je suis un horrible criminel, je vous présente mes excuses les plus plates, désolé pour la confusion, ne m’en veuillez pas, je me suis berné moi-même, c’est la vie.
On verra tout cela dans un an.
Je vous laisse car mon cher ami policier souhaite me raconter une histoire pour m’endormir.
Bien à vous.