Des dures réalités des révolutions, du rôle des femmes et des hommes, surtout des hommes, du Guépard et des avenues et ruelles


Des dures réalités des révolutions, du rôle des femmes et des hommes, surtout des hommes, du Guépard et des avenues et ruelles

L’humain reste humain dans tout ce qu’il fait.

Passés les rares moments où, dans son histoire fort brève au demeurant, il s’est élevé au-dessus de sa superbe médiocrité et de son implacable ambition, il a pour habitude de réitérer ses erreurs et de retomber dans ses errements antérieurs. Mais, ces hoquets insolites sont inestimables car c’est de cette manière-là qu’il parvient par le jeu du temps et des circonstances à progresser, pour autant que ce terme soit utilisable dans ce contexte particulier et dépouillé de ses oripeaux paternalistes, égocentriques, suffisants et naïfs.

Il est en particulièrement ainsi dans notre situation actuelle. Nous demeurons dans ce pays anciennement de misère et actuellement de misère aussi mais avec un sourire en prime et un espoir en tête et traversons les évènements révolutionnaires qui s’y déroulent avec une attention soutenue. Depuis ma sortie de prison, j’ai retrouvé mes amis, à l’exception du grille-pain existentialiste réincarné en radiateur jaune artiste multiforme que je recherche par monts et par vaux, sans grand succès admettons-le, et participe en observateur détaché et passablement dépassé aux bouleversements qui taraudent cette société.

La révolution a conduit à la mise en place d’un comité de salut public dont la machine à gaz rondouillarde à tendances politique est depuis hier le porte-parole passionné et enjoué tandis que des groupes de toutes sortes passent dans les rues cherchant à instiller dans ces changements parfois majeurs et souvent mineurs leur propre contribution mais ce, je dois le préciser, sans grand succès.

Je dois admettre que ma pensée rejoint parfois celle du Yéti anarchiste considérant que ce qui se passe ressemble plus à un changement de rideaux qu’à la construction d’une nouvelle demeure. Tout reste mais avec des couleurs, des mots et des formes différentes. Il faut que tout change pour que tout demeure, disait le guépard…

La jeune fille aux vêtements rouges qui souvent s’installe à côté de nous pour bavarder décrypte la situation actuelle à note intention et lorsque l’on discerne sur l’écran bleu non point de mes paupières mais de la télévision géante trônant dans le salon de la petite pension où nous vivons des visages de membres révolutionnaires du comité du peuple aimant, bienveillant, libre, heureux, libéré, dynamique, libérateur et non corrompu, elle s’empresse de nous préciser qu’untel était auparavant responsable de la sécurité intérieure, souterraine, sombre ou intelligente, et qu’un autre tel était corrupteur secondaire ou corrompu primaire.

L’autruche volante, flottante et trébuchante qui généralement ne comprend rien à rien a elle noté tout en grignotant un parapluie vert oublié par un ancien client et nouveau secrétaire d’état à la jeunesse, au sport et à l’urbanisation libre et non corrompue que « des hommes partout, des femmes nulle part et pas d’autruche non plus » ce qui n’est pas faux.

« Les femmes étaient dans la rue et le sont encore », a souligné Maria au regard si profond que je m’y perds si souvent, « par contre leur absence du comité du salut public est flagrante. Je suis très heureuse que la machine à gaz rondouillarde y ait fait son entrée mais il me paraît malgré tout fort étonnant qu’il soit plus facile d’incorporer dans un gouvernement de ce type un grand nombre d’ex-dignitaires camouflés en héros révolutionnaires et une machine à gaz ignorant comment ce pays se nomme que des femmes… Que faudra-t-il donc faire ici comme ailleurs pour que les vrais bouleversements se produisent? Doit-on se contenter éternellement des mêmes rengaines ? »

Elle a raison…

Elle a absolument raison.

Qu’on fait mes congénères masculins depuis la nuit des temps si ce n’est confisquer le pouvoir sous de nombreux prétextes aussi fallacieux les uns que les autres, le cadenasser sous des couches sédimentaires nombreuses et dures comme l’acier que l’on appelle religion, structures sociales, constitutions, traditions, lois et autres règlements puis se sont empressés d’aller se faire la guerre entre gens bien éduqués, se tuer les uns après les autres, aller chez l’autre détruire tout ce qui s’y trouvait, violer sa femme et tuer ses enfants puis revenir chez lui pour se faire trucider par ses enfants, mâles, à lui et ainsi de suite jusqu’à ce que mort s’en suive.

Il faut décadenasser tout cela mais comment je n’en sais rien.

Vous le savez bien, je ne cesse de le dire et le souligner les évènements de ces temps-ci et des autres me dépassent. Je remarque et observe, je note et relaie mais je n’ai aucune faculté d’influencer quoi que ce soit, je me perds dans les dédales de ma propre pensée basée sur la seule règle que je connaisse et me semble viable par-delà les différences d’opinions, marcher encore et toujours, avancer, car au bout du compte c’est le seul moyen de garder l’espoir, toute autre solution revient à la mort… mieux vaut tard que maintenant et entre temps mieux vaut essayer que de se tenir les bras croisés à rien faire.

Alors, c’est ce que j’ai dit à Maria, « il faut secouer ce que l’on peut, il faut aller au bout de toutes les choses, tout est perdu, naturellement, mais il faut essayer, poursuivre, persévérer pour laisser une chance, minuscule certainement, mais une chance quand même, pour que l’espoir subsiste. »

Maria m’a embrassé puis est repartie un peu plus gaie, où je n’en sais rien, et moi et l’autruche volante, flottante et trébuchante sommes partis vers une étendue herbeuse et terreuse à la recherche de notre ami disparu.

Il en est ainsi de toutes choses, certains vont par les avenues et d’autres par les ruelles, mais finalement tous se complètent.
sol342